Homer et Langley - E.L. Doctorow
Babel, 2015, 227 p. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christine Le Bœuf
Ce livre pourrait commencer comme un conte : il était une fois deux frères qui vivaient dans une drôle de baraque (mais tout de même sur la 5e avenue à New York aux abords de Central Park…). L’aîné, Langley, s’engage pour la guerre de 14-18, revient vivant mais pendant ce temps-là ses parents sont morts de la grippe espagnole. Le cadet, Homer, attend seul dans la grande maison, atteint depuis longtemps d’une maladie qui le rend progressivement aveugle. Mais ce n’est pas un conte, c’est une histoire tirée de faits réels et les choses ne vont ni s’arranger ni bien se terminer. Car les deux frères vont vivre toute leur vie ensemble et la vie que mènent ces deux frères est libre et un peu particulière ! Tant est si bien qu’ils vont devenir petit à petit marginaux et pour cause : Langley amasse des objets par dizaines : des radios, des journaux, des machines à écrire, des pianos, et même une automobile ! Ils organisent des soirées jazz, se lient d’amitié avec des hippies, tombent parfois amoureux mais leurs histoires ne durent jamais longtemps. Le mode de vie qu’ils ont choisi dérange : les voisins, la municipalité, la société. Vers quelle fin s’acheminent-ils ?
Cette histoire vraie est intelligemment perturbante : peut-on vivre dans une société et être en complet décalage avec celle-ci sans que cela soit pour autant de la provocation ou un acte militant ? E. L. Doctorow pose la question et la renvoie au lecteur. L’écriture est à la fois innoncente et forte.